Exclusif ! Open Tables, film américain et gourmand à Paris

Jack Newell Au Bon Accueil

Le réalisateur Jack C. Newell, attablé Au Bon Accueil. (c) ZAXIE

Nous avions beaucoup aimé Close Quarters, le premier long métrage de Jack C. Newell. Il mettait en scène deux baristas et leurs clients dans un coffee shop de Chicago.

Alors, quand nous apprenons que le réalisateur est à Paris pour tourner son deuxième film, nous nous précipitons. Et décrochons, avant toute la presse française, cette interview exclusive réalisée sur les lieux du tournage.

Le film s’intitule Open Tables, tables ouvertes. Un mercredi de septembre, sous le Pont des Arts. Une lumière de fin de journée nuageuse baigne la Seine. Sur le quai, la petite équipe est déjà au travail pour capturer l’heure magique du crépuscule. Tout est préparé, précis, calme. Du coup, l’ambiance est chaleureuse. Et le réalisateur a le temps de répondre à nos questions.

Toute l'équipe sur le quai

L’équipe parisienne du film. (c) ZAXIE

Manger ensemble, la matrice du film

CinéMiam : C’est votre première visite à Paris ?
Jack C. Newell : La deuxième. J’étais venu avec ma petite amie il y a deux ans. Je suis tombé amoureux de la ville. En fait, c’est ici que j’ai écrit Open Tables. Je voulais retranscrire tout ce que la ville m’avait apporté en termes de cuisine et de cinéma.

CinéMiam : Le film est-il autobiographique ?
J.C.N. : Pas vraiment. C’est un assemblage de nombreuses histoires. Mais les sensations de Paris, l’élégance de Paris… Quand on fait un film sur la nourriture, c’est impossible de ne pas tourner à Paris.

Stephanie Dufford à la caméra, Jack C. Newell à la perche. (c) Claire Dixsaut

Stephanie Dufford à la caméra, Jack C. Newell à la perche. (c) Claire Dixsaut

CinéMiam : Vraiment ?
J.C.N. : Je le pense vraiment. C’est la capitale du monde culinaire. Sérieusement. Ce n’est peut-être pas la capitale de la cuisine moléculaire, des mouvements de mode culinaires, d’accord. Mais à mon avis, ce que les gens attendent d’un repas, c’est de se réunir autour d’une table, entre amis, d’être bien ensemble, d’échanger des histoires.

Bien sûr, la nourriture a un but : il faut s’alimenter. Mais elle fait plus que ça. Elle nous réunit. Et c’est ce que je retrouve à Paris. Vous savez, tous les jours après le tournage, on mange ensemble. C’est extrêmement important pour moi. C’est la matrice du film.

Un microcosme étrange et moderne

CinéMiam : Vous restez longtemps à Paris ?
J.C.N. : On a dix jours de tournage. Après quoi, je vais voir des amis à Londres. Puis je reviens à Paris, pour essayer d’écrire le prochain film.

CinéMiam : Déjà une idée pour le prochain film ?
J.C.N. : J’ai deux idées. L’une tourne davantage autour de la cuisine. Mais c’est trop tôt pour en parler. Si on se revoit dans quelques mois…

Affiche Close Quarters

CinéMiam : Avec plaisir ! D’ici là, parlons du passé, si vous voulez. Votre précédent film, Close Quarters, parlait déjà des plaisirs de la bouche. Plus précisément du café.
J.C.N. : Oui, c’est toujours l’histoire de ce qui rapproche les gens. Aux États-Unis aujourd’hui, le café, le « coffee shop », est devenu le troisième lieu de vie après la maison et le travail.

Dans les coffee shops, on vit sa vie privée en public. Au point qu’il y a des gens qui tombent amoureux, qui divorcent même, dans les coffee shops. Ils y travaillent, ils y engagent une baby-sitter… C’est un microcosme étrange et moderne.

CinéMiam : Dans vos deux films, vous filmez les clients. Pensez-vous un jour filmer les employés de restaurant ?
J.C.N. : Oui, ça, c’est le prochain film…

Jack C. Newell, au centre, et ses comédiens, sur le tournage de Open Tables à Chicago. (c) ZAXIE

Jack C. Newell, au centre, et ses comédiens, sur le tournage de Open Tables à Chicago.         (c) ZAXIE

CinéMiam : Vous-même, vous êtes originaire de Chicago. Vous avez choisi de tourner dans une trentaine de restaurants, parmi les meilleurs et les plus réputés de la ville : Sixteen, Sepia, Topolobampo, Graham Elliot… Mais à Paris, vous avez choisi des lieux plus intimes, plus authentiques peut-être.
J.C.N. : Oui, je voulais faire le point sur la gastronomie à Chicago aujourd’hui. Alors, on montre toute la gamme. Aussi bien des grandes tables que des camions. Mais pour Paris, c’est différent, parce que c’est une vision idéalisée de la ville. J’insiste davantage sur le côté chaleureux, bistrot, cosy.

La tarte aux abricots

CinéMiam : Quand les restaurants tiennent autant de place dans l’histoire, on s’attend à ce que la nourriture joue un rôle, ne se contente pas de la figuration.
J.C.N. : Absolument. La scène-clef de l’épisode parisien se déroule entre mon personnage et un couple de Français. On finit en ménage à trois. C’est d’ailleurs pour ça que je vous disais que ce n’est pas un film autobiographique… (Rires)

William et Gwendolyn

William Prünck et Gwendolyn Gourvenec, le couple parisien. (c) Claire Dixsaut

Le couple m’emmène au restaurant, au Bistrot Paul Bert, et on apporte cette succulente tarte au abricots. La jeune femme prend une bouchée. Puis je prends une bouchée. Et puis lui mord dedans.

Mon personnage croyait qu’il se passait quelque chose entre elle et moi, et je découvre alors qu’on est trois.

Si le spectateur n’avait pas compris jusqu’ici que quelque chose de curieux était en train de se nouer, la scène de la tarte va lui mettre les points sur les « i ».

Ça m’aurait été difficile de faire ça avec un steak ou une salade. Le dessert, c’est idéal.

« Big Night » et les plans-séquences

CinéMiam : Avez-vous une scène, ou un film, gastronomique préféré ?
J.C.N. : Le film Big NightJ’aime tout le film, mais la scène qui me touche au cœur, c’est la fin. Ce long plan-séquence où le héros, Stanley Tucci, prépare l’omelette, c’est une grande scène pour une foule de raisons.

CinéMiam : Vous aussi, vous aimez beaucoup tourner en plans-séquences, je crois ?
J.C.N. : Oui. Je demande beaucoup à mes acteurs d’improviser. Chez les très bons acteurs, comme ceux qui travaillent avec moi aujourd’hui, quand ils improvisent, il y a une prise de risque. Il y a de la vie. On ne sait pas ce qu’ils vont dire. Ça dégage une énergie que je trouve stimulante, attachante.

Restituer la joie de la nourriture

CinéMiam : Avec votre chef-opératrice, Stephanie Dufford, comment avez-vous préparé la mise en images des plats ?
J.C.N. : On a commencé par manger ensemble. Souvent.
Stephanie Dufford : On aime beaucoup manger, tous les deux ! (Rires)
J.C.N. : Sinon, il s’agissait surtout de rendre les plats aussi beaux que possible.
S.D. : L’avantage, c’est qu’on tournait dans de très beaux lieux, agréables à l’œil. Des lieux où déjà, on a envie de passer une soirée. Il y avait donc peu de travail à faire pour les rendre attrayants pour la caméra.

Stephanie Dufford. (c) Claire Dixsaut

Stephanie Dufford et la météo parisienne. (c) Claire Dixsaut

CinéMiam : Les plats filmés au restaurant ont-ils été préparés pour vous par les restaurants où vous tourniez ?
J.C.N. : La plupart du temps, oui. Nous avons essayé de restituer l’atmosphère des lieux, jusque dans l’assiette. Pour certains plans, on a dû utiliser des aliments factices. C’est une des contraintes du cinéma.

CinéMiam : Photographiez-vous la nourriture française différemment de la nourriture américaine ?
J.C.N. : Bonne question ! (Rires) En fait non. On essaye toujours de rendre les plats aussi beaux qu’ils sont en réalité.

De plus, on n’a pas choisi de filmer des cheeseburgers. Même si, à Paris, nous avons beaucoup filmé de nourriture de rue, et tourné au marché Raspail. La bonne cuisine, c’est beau.
S.D. : C’est la joie de la nourriture, qu’on essaie de restituer.

La caméra de Stephanie Dufford. (c) Claire Dixsaut

La caméra. (c) Claire Dixsaut

La cuisine et les rapports humains

CinéMiam : Comment avez-vous choisi vos lieux de tournage parisiens ?
J.C.N. : Le Bistrot Paul Bert nous a été recommandé par le chef parisien de Bistronomic, un restaurant de Chicago. Et c’est un ami à moi, qui est chef, qui nous a parlé de Au Bon Accueil et du fait qu’on avait la tour Eiffel dans le champ.

On a filmé les extérieurs de nombreux cafés plus touristiques, comme Les Deux Magots. Mais le chef du Bon Accueil est devenu un ami, il y avait une bonne ambiance, on s’y sentait bien, c’est important pour le film. La qualité, ça compte, mais rien ne vaut ce bouche-à-oreille d’un individu à l’autre.

Et puis, j’ai bien l’impression qu’aucun restaurant à Paris ne fait de publicité. C’est très déconcertant pour nous.

À Chicago, l’argument-massue pour convaincre les restaurateurs d’accueillir le tournage, c’est le marketing. Les restaurants là-bas sont obsédés par ça, marketing, marketing, marketing. Et puis on arrive à Paris et on découvre que les restaurants n’ont pas de budget marketing. Qu’ils n’ont pas besoin de budget marketing. Qu’il allait nous falloir trouver un autre angle d’attaque.

Alors on parle cuisine, rapports humains. Ça tombe bien, moi, ça me va parfaitement, parce qu’en fait c’est exactement de ça dont j’ai envie de parler.

*

Open Tables, scénario et réalisation de Jack C. Newell, 2013.

Retrouvez le film sur son site officiel et sa page Facebook.

*

Les lieux de tournage parisiens ?

Le Bistrot Paul Bert
18 Rue Paul Bert, 75011 Paris
01 43 72 24 01
14 Rue de Monttessuy, 75007 Paris
01 47 05 46 11
Boulevard Raspail, 75006 Paris
Ouvert le dimanche
Rushes
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"Les Saveurs du palais" de Christian Vincent - © Wild Bunch Distribution

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