L’Inde fête cette année le centième anniversaire de son cinéma. Nous aussi !
Cette semaine, gros plan sur Le Dabba de Stanley (Stanley ka Dabba, 2011). Cette fable attachante met en scène un groupe d’écoliers et leur petit plaisir quotidien : le casse-croûte de la récréation.
Le film
Stanley, écolier à Mumbai (Bombay), est un gamin inventif et joyeux. Vaguement amoureux de sa prof d’anglais, il récite des poèmes, construit un phare miniature, adore l’école. Mais curieusement, à la récré, il n’a jamais sur lui son dabba, la gamelle qui devrait contenir son casse-croûte.
Il prétend rentrer déjeuner à la maison, ou sortir acheter à manger. Mais le plus souvent, ses copains partagent avec lui leur repas.
Tout irait pour le mieux si le prof de hindi n’était pas aussi gourmand que pique-assiette. Non content de taper dans les gamelles de ses collègues, celui qu’on surnomme Kadoos (grincheux) se délecte des repas qu’apportent les petits camarades de Stanley.
Kadoos repère que Stanley se nourrit grâce à ses copains. Résultat, il ne reste plus rien pour le prof glouton. Celui-ci le prend très mal et finit par interdire à Stanley l’accès de l’école tant que le gamin n’apportera pas son dabba.
Pour Stanley, c’est un drame. Le voilà privé d’école, privé aussi du spectacle de fin d’année. Et privé de repas.
Car nous l’apprendrons à la fin du film : si Stanley n’a pas de dabba, c’est que personne à la maison ne cuisine pour lui. Stanley est orphelin. Aussitôt rentré de l’école, il travaille, probablement sans salaire, dans le restaurant de son oncle, un type infect qui le bat et l’exploite.
Le Dabba de Stanley, réalisé avec le concours des élèves et des professeurs d’une école Montessori à Mumbai, rappelle qu’au moins 12 millions d’enfants travaillent en Inde, souvent dans des conditions affligeantes.
Heureusement, le film nous donne aussi l’occasion de parler d’un système extraordinairement efficace et unique au monde : les livreurs de dabba.
Les dabbawallas, super-héros à vélo
L’organisation des dabbawallas, les « livreurs de boîtes », vit le jour à Mumbai il y a 120 ans.
Prenez des colons anglais à qui la nourriture locale ne réussissait guère. Ajoutez des travailleurs indiens obligés de se lever aux aurores pour rejoindre leur travail et observant des contraintes alimentaires très strictes, issues de leur religion ou de leur caste. Prenez enfin des épouses peu désireuses de se lever encore plus tôt que leur mari pour préparer le pain quotidien.
Et vous comprendrez pourquoi circulent chaque jour, tirées par des vélos ou portées à l’épaule, des plate-formes chargées des traditionnelles boîtes cylindriques à quatre étages.

On reconnaît un dabbawalla à son topi, le traditionnel chapeau blanc à la Gandhi.
Photo (c) Meena Kadri
Elles s’ornent de codes qui permettent aux livreurs de les acheminer depuis le domicile du travailleur jusqu’à son poste de travail. Et ça marche. Incroyablement bien, pour une ville de cette taille : 600 km2, 20 millions d’habitants, Mumbai est la ville la plus peuplée du pays.
Les dabbawallas livrent même au plus fort de la mousson, même pendant les grèves et les manifs, quand toute la ville est bloquée. On estime à 200 000 par jour le nombre de repas qu’ils acheminent. Avec un taux d’erreur de 1 pour… 16 millions !
Ce qui a valu à cette organisation de vélocipédistes plus ou moins illettrés une certification ISO 9001 et un label Six Sigma du magazine Forbes, décerné d’habitude à des entreprises comme Motorola ou General Electric. Ainsi qu’une invitation, lors du second mariage du prince Charles, à donner des conférences dans les meilleures business schools du Royaume-Uni.
Les temps modernes n’ont pas changé grand-chose à leur métier. Certes, les petits mots qu’on glissait dans les gamelles ont été remplacés par des SMS. Certes, on peut aujourd’hui commander son dabba sur le web. Mais le business des dabbawallas croît de 5 à 10% par an et s’étend aujourd’hui à d’autres grandes villes du pays.
L’efficacité du système n’a pas échappé aux grandes entreprises. Microsoft a engagé les dabbawallas pour relayer la sortie de Vista. Et au moins trois films, Le Dabba de Stanley, Tashan et Luv Shuv Tey Chicken Khurana, ont employé leurs services pour renforcer leur campagne de pub.
La Recette : Aloo Paratha
Au début du Dabba de Stanley, Kadoos pioche dans le dabba de Sai, un écolier gourmand. Il y dévore de larges morceaux de aloo paratha.
Si l’intitulé, « pain farci aux pommes de terre », n’est pas forcément engageant, le résultat est absolument succulent. Mais comme toujours, il nécessite une grande variété d’épices.
On n’est pas obligés de les utiliser toutes, mais deux sont impératives : les graines de coriandre et la poudre de mangue séchée, en épiceries asiatiques. Le mélange d’épices se conserve 2 mois en bocal hermétique à l’abri de la lumière.
Le mélange d’épices (chaat masala) :
- 4 càs de poudre de mangue séchée
- 3 càs de cumin en grains
- 3 càs de sel
- 1 càs de coriandre en grains
- 1/2 càs de poivre du moulin
- 1/2 càs de gingembre en poudre
- 1/2 càs de graines de fenouil ou d’anis
- 1 pincée de menthe séchée
- 1 pincée de Cayenne en poudre
- 1 pincée d’asafoetida
- Torréfiez les grains de coriandre, de cumin et de fenouil, pendant 1 mn à feu moyen.
- Réduisez en poudre. Ajoutez les autres ingrédients. Conservez en boîte hermétique.
Le pain farci, pour 4 pains :
- 50 g de farine
- 3 pommes de terre moyennes, assez farineuses
- 1 càc de Cayenne en poudre
- 1 càc de graines de fenouil
- 25 cl d’eau
- 4 càs d’huile végétale (pas olive) ou de ghee
- Yaourt à la grecque, coriandre fraîche et chutney en accompagnement
- Mélangez la farine et l’eau, pétrissez pour obtenir une pâte souple. Laissez pousser 30 mn près d’une source de chaleur.
- Pendant ce temps, cuisez les pommes de terre à l’anglaise. Réservez. Ajoutez le piment, le fenouil, 1 càs du mélange d’épices, et salez bien. Réduisez en une purée homogène.
- Façonnez des boules de pâte de la taille d’une clémentine. Étalez au rouleau. Versez au centre une goutte d’huile, puis une bonne càs de purée.
- Repliez la pâte pour fermer le chausson. Farinez. Étalez délicatement pour obtenir un pain plat.
- Chauffez une poêle à feu moyen avec 1 càs d’huile. Dorez les pains sur une face, un par un, environ 2 mn. Retournez. Quand des bulles dorées se forment à la surface, ajoutez un peu d’huile dans la poêle et retournez à nouveau. Cuisez, en ajoutant de l’huile si nécessaire, jusqu’à ce que votre pain ressemble à la photo.
Servez accompagné de yaourt à la grecque saupoudré de coriandre fraîche, et de chutney. Nous aimons avec cette recette le chutney de tomates, mais mangue ou citron conviendront très bien.
*
Le Dabba de Stanley (Stanley ka Dabba), écrit et réalisé par Amole Gupte, 2011.
* * *
Encore un peu ?
Le goût de l’Inde / 1 : Cheeni Kum
Le goût de l’Inde /3 : Mayabazar ou la petite faim d’une divinité
* * *
Pingback: Le Goût de l’Inde /3 : Mayabazar ou la petite faim d’une divinité | cinemiam·
Pingback: Le goût de l’Inde /1 : Cheeni Kum | cinemiam·
Pingback: Les miams de la rentrée 2013 | cinemiam·